La réduction des inégalités au menu des ODD !

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Les Objectifs de développement durable (ODD) énoncent à l’horizon 2030 une série de 17 objectifs globaux assortis de plus d’une centaine de cibles dessinant les composants élémentaires d’un développement plus durable. Leur ambition est immense : ils ont pour vocation d’achever le travail entamé avec les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), et d’élargir celui-ci à des sujets jusqu’à présent peu considérés voire ignorés dans les négociations internationales comme la réduction des inégalités de revenu domestiques ou la protection des océans et des ressources marines.

Au moment où les violations de droits de l’homme s’accumulent en disproportion de tout ce que les services statistiques ont pu recenser, il peut paraître dérisoire de voir les Nations-Unies énoncer une liste d’objectifs non contraignants et généreux au-delà du possible – si l’image du possible nous est donnée par le masque sordide que nous tend l’actualité. Les ODD peuvent-ils réussir là où d’autres textes onusiens ont échoué ? En gardant à l’esprit les réfugiés qui s’échouent sur nos côtes, les appels à l’aide et les exécutions par le fil de couteaux de bouchers, qui nous rappellent qu’un texte ne vaut rien s’il n’est pas appliqué, demandons-nous si les ODD ont la moindre chance de transformer le monde et testons les à l’aune de ce qu’ils énoncent. Parmi tous les maux que les ODD prétendent circonscrire sans recourir à la magie trompeuse du droit, nous en choisissons un parmi les plus aigus et les plus universels : celui de la montée des inégalités économiques.

-  La réduction des inégalités, un objectif de développement durable

En 2016, la moitié de la richesse mondiale sera détenue par 1 % de la population de notre planète. Ce que l’on observe à l’échelle du monde s’observe également au sein des pays. La part de la richesse nationale possédée par les 1 % ou les 10 % les plus riches retrouve, dans les pays où les données fiscales sont disponibles, les niveaux records du début du XXe siècle. On doit au talent et à l’obstination de Thomas Piketty d’avoir traduit une intuition en un fait : le capitalisme est fondamentalement inégalitaire, la rétribution de l’effort étant sur le temps long plus faible que celle du capital. En gros, épousez une rentière ou un rentier plutôt que de vous embêter à déposer un brevet ou à gravir les marches de votre entreprise.

La tolérance envers les inégalités de revenus et de patrimoine varie entre pays, sans doute est-ce là une des raisons pour laquelle ces dernières n’ont jamais véritablement été mises à l’agenda de quelconques négociations internationales. Certes, il y eut les OMD, et l’ambition de réduire l’incidence de la pauvreté de moitié. Mais les OMD ne traitent pas des inégalités : ils sont une application non négociée du principe de différence de John Rawls selon lequel les inégalités sont tolérables dès lors qu’elles s’accompagnent d’une amélioration des conditions d’existence des plus déshérités. Transformer des pauvres absolus en pauvres relatifs, voilà le projet des OMD –il est parfaitement compatible avec la montée des inégalités.

Or elles soulèvent des problèmes d’une autre nature et d’une toute autre ampleur que la persistance de l’absolue pauvreté. Les négociateurs des ODD ne s’y sont pas trompés, en n’opposant pas les deux agendas et en les cumulant l’un à l’autre. En profitant aux plus riches, qui sont aussi les plus mobiles et les plus à même de soustraire leurs revenus à l’impôt, la montée des inégalités, largement due à la déliquescence de l’impôt progressif, est un ressort implacable pour faire exploser tout ce qui reste de l’Etat Providence sur lequel s’est construit notre contrat social après-guerre. La fourniture de biens et services publics élémentaires ne trouve plus de financement, sauf à accroître la taxation des facteurs captifs – le travail de celles et ceux qui ne savent pas vendre leur talent à l’étranger. Or comment financer la transition énergétique, l’agriculture « propre », l’élimination de la faim et de l’extrême pauvreté, bref, toute la série des ODD, si la montée des inégalités siphonne l’assiette fiscale des pays riches et pauvres ?

Quoiqu’elle flatte le bon sens, la cible d’une réduction des inégalités – littéralement, une hausse des revenus des 40 % les plus pauvres supérieure à la croissance des revenus de la moyenne de la population (cible 10.1) – fut âpre à négocier. Plusieurs pays comme les États-Unis s’opposaient à une telle cible, au motif que son inclusion conduirait à des « débats stériles » et qu’elle était redondante avec des cibles ou objectifs comme la croissance économique ou l’accès équitable aux moyens de production. D’autres pays comme la Chine et l’Indonésie faisaient valoir qu’une telle cible était injuste dans la mesure où les pays en développement s’en tenaient plus éloignés que les pays de l’OCDE. Sous leur pression, la cible fut retirée du brouillon de la liste des ODD courant 2014. On doit sa réintroduction dans la liste finale à l’insistance du Danemark, de la Norvège et du Brésil.

-  Un test de la capacité de transformation des ODD

Comment juger le niveau d’ambition d’une telle cible ? Quelle est sa capacité de transformation ? Une cible peut-être jugée « facile » pour un pays démontrant qu’il a déjà été capable de l’atteindre par le passé – mais nécessaire néanmoins dans la discussion internationale car les différents pays pourront tirer des leçons de l’expérience de ce pays déjà champion avant même que la course aux ODD commence. À l’inverse, les pays incapables d’atteindre la cible par le passé ont intérêt à se l’assigner et à essayer de l’atteindre, sans quoi la cible ne saurait être un levier ou une incitation à la transformation. La cible 10.1 est donc d’une double nature : conservatrice pour les pays capables de l’atteindre par le passé, transformatrice pour les pays dans le cas inverse.

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