[Café du confinement N°3] Les élements à partager

« Café du confinement » N°3

Le troisième « Café du confinement » a réuni, ce lundi 13 avril, 12 personnes engagées dans 7 associations de solidarité de toute la Nouvelle-Aquitaine (et au-delà !) de partager sur leurs ressentis en cette période de confinement sur les enjeux de l’information pendant cette période de crise.

Guillaume Bertrand (coordinateur de la Maison des Droits de l’Homme de Limoges) et Bernard Salamand (directeur du réseau ritimo) ont apporté un éclairage sur la désinformation et les mobilisations possibles pour lutter contre ce fléau.

N’hésitez pas à cliquer sur les liens donnés à la fin pour aller plus loin !

L’information au service du pouvoir politique et économique : tour d’horizon

1. Le contrôle des médias par l’État

La Russie et la Chine ont déployé de vastes campagnes de propagande pour montrer que leur gestion de la crise est et bien meilleure que celle des puissances occidentales. il faudrait s’inspirer de leurs modèles de gestion et les suivre comme des références. Pour faire passer ce message, ils comptent avec des médias aux ordres du pouvoir qui relaient ces informations.

En Russie, de faux comptes créés sur les réseaux sociaux visent à déstabiliser, à appuyer où ça fait mal : la mauvaise gestion de la crise en France (masques, tests, etc.) montre que l’État français est faible. Les services secrets russes encouragent ces faux comptes, ce qui contribue à alimenter la défiance d’une partie de la population en France.

De son côté, la Chine a une stratégie de communication réussie qui fonctionne bien dans nos médias. Elle est relayée par des cadres de la diplomatie chinoise à l’étranger.

En France, Acrimed (Action Critique Médias) reprend les analyses des plateaux télé avec des éditorialistes qui transmettent des messages bien stéréotypés et relayant les messages du Gouvernement, on fait toujours revenir la même idéologie d’avant la crise. Des citoyens sont stigmatisés par les médias, il y a une nécessité de vigilance.

2. Mais il n’y a pas que les médias...

La désinformation n’est pas l’apanage des gouvernements : des groupes privés, avec des intérêts économiques (il faut acheter tel produit pour se protéger...), des acteurs qui veulent défendre des idéologies avec des fake news (ex. le juif empoisonneur, la conspiration d’Agnès Buzyn et son mari contre la santé publique...), nous rappellent qu’il y a beaucoup d’acteurs qui vont à l’encontre de la liberté d’expression, la démocratie, les droits de l’Homme. Dans notre propre pays, les valeurs que nous portons en tant qu’acteurs de l’Éducation à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale sont attaquées.

Quelles mobilisations possibles ? Quels contrepoids ?

Avant la démocratisation d’internet, à la fin des années 1990, on manquait d’information sur les pays dits du Sud et sur comment on pouvait contribuer au changement de leur situation. Pour le changement, il fallait la conscientisation et pour cela il fallait de l’information. L’enjeu était la quantité et sur la mise à disposition de ressources au "Nord" d’informations qui viennent du "Sud".

Avec internet, la problématique glisse de la quantité vers la qualité de l’information. La situation actuelle est celle d’une "infobesité" : une quantité massive d’information qui fait glisser l’enjeu de la disponibilité vers la qualité et la véracité de ces informations.

Aujourd’hui, nous sommes tous des éditorialistes en puissance et il faut réfléchir avant de relayer une information, nous avons une responsabilité, car c’est à nous de faire le filtre sur ce qui peut être vrai ou pas, ce qui entraîne une subjectivité qu’il faut assumer. Dans le cas de ritimo, par exemple, cela s’est traduit en une politique éditoriale qui prend en compte cette subjectivité. On assume le choix des sources, les infos que l’on relaie et pourquoi.

Tout le monde peut être producteur d’information, si on accepte ce rôle, on accepte également la déontologie qui y est liée. Une opinion n’est pas une information, mais une opinion doit être construite sur des informations.

Les acteurs et actrices de l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale nous devons de travailler sur l’éducation et l’analyse critique des médias. Il faut accompagner les gens à se poser la question de "je fais le jeu de qui en relayant ceci ? d’un État, d’une entreprise, d’une idéologie ?". A l’heure actuelle, où tout le monde peut produire de l’information, il faut faire attention à d’où elle vient l’info, pourquoi elle me plaît, qui la diffuse ? Prendre le temps versus l’immédiateté, car quand il y a de l’incertitude, on peut laisser de la place pour la désinformation.

La notion du doute est quelque chose de très embarrassant pour certains, de positif pour d’autres. Nous sommes dans des sociétés où l’on a besoin de certitudes, les médias y contribuent. On pourrait aussi réfléchir aussi à à quel point on a besoin de certitudes. Est-ce vraiment nécessaire ? Quelle est la juste mesure de ce besoin de certitude ? L’éducation à la citoyenneté mondiale, telle qu’appréhendée par des organisations comme l’UNESCO ou le Conseil de l’Europe, est la capacité à traiter l’incertitude de manière positive et constructive".

Les participants au café partagent la nécessité d’être acteurs et actrices d’une information critique et plurielle, en la produisant et en décryptant celle qui nous est proposée.

Pour aller plus loin :

Tribune du 8 avril : " La première Guerre de la désinformation"
https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/coronavirus-la-premiere-guerre-mondiale-de-la-desinformation-844643.html
Médias publics, médias d’Etat - france culture (2017)
https://www.franceculture.fr/emissions/series/medias-publics-medias-detat

Coronavirus : une épidémie de fake news - france culture (2020)
https://www.franceculture.fr/sciences/coronavirus-une-epidemie-de-fake-news

De la vérité aux fake news - france culture (2020)
https://www.franceculture.fr/conferences/universite-de-nantes/de-la-verite-aux-fake-news

ritimo a créé des outils sur l’éducation à l’information et aux médias et sur le numérique. Prochainement, un focus sur le coronavirus sera mis en ligne.

Prochain « Café du confinement » Lundi 13 avril 14h-15h30.
Pour recevoir les codes de la conférence téléphonique s’inscrire ICI