L’Institut des Afriques : Les Afriques face au Covid-19

L’Institut des Afriques


NOTE D’ACTUALITÉ N°0 : LES AFRIQUES FACE AU COVID-19


Thématique #1

La réponse sanitaire

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L’Institut des Afriques a décidé de proposer régulièrement à ses lecteurs une brève revue de presse consacrée à une thématique relevant de l’actualité africaine ou faisant l’objet d’un débat concernant les Afriques. L’IdAf entend ainsi être fidèle à l’une de ses missions : informer, apporter des éléments de réflexion et d’analyse, lutter contre les clichés et les préjugés que continue de charrier trop souvent encore un certain discours médiatique, politique, voire même scientifique sur les Afriques. La première édition de cette nouvelle rubrique ne pouvait pas ne pas être consacrée à la pandémie de Covid-19 et à ses répercussionssur le continent africain. A partir d’une sélection de documents de diverses natures, l’IdAf restitue quelques éléments sur la façon dont les sociétés africaines et leurs appareils sanitaires réagissent à la propagation du virus et entreprennent de le combattre.

Bonne lecture !


LA PROPAGATION DU CORONAVIRUS SUR LE CONTINENT AFRICAIN

La propagation du virus est rapide, perçue comme incontrôlable d’autant que renforcée par de nombreux facteurs à risque sur le continent africain : exposition aux contacts internationaux, lacunes des systèmes de santé, densité de populations urbaines, âge et critères de comorbidité nombreux, etc. Les différences sociales, économiques et politiques entre les pays du continent représentent d’autres enjeux dans la lutte contre le Covid19. La transparence gouvernementale, la liberté de la presse, le régime politique en place sont autant de facteurs qui orientent et influencent la crise, sa gestion sanitaire et politique ainsi que son image à l’étranger. Achille Mbembe appelle à la prudence médiatique : « Il n’y aura jamais de scénario unique » dans la gestion d’une crise sanitaire. D’autant plus lorsque l’image de la crise sanitaire du Covid-19 dans les Afriques est vue par un regard extérieur au continent, avec toute la méconnaissance des sociétés africaines qu’il peut parfois y avoir. Porter un regard sur l’actualité des Afriques peut être biaisé quand le continent prend le visage médiatique d’un pays unique, niant la diversité de ses 55 états et leur situation sanitaire inégale. L’amalgame entre continent et pays se révèle dernièrement dans les plus hautes sphères politiques françaises avec la note « L’effet Pangolin : la tempête qui vient d’Afrique ? » émise par le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères. La tribune « Coronavirus : pour en sortir plus forts ensemble », publiée le 10 avril 2020 et signé par nombre d’intellectuels du continent, appelle à une autre réflexion : « Il nous faut affirmer que ce scénario n’a rien d’une fatalité historique à laquelle le continent ne saurait échapper. Il en dit plus sur ses auteurs que sur la réalité d’un continent Africain, dont nul ne saurait préempter l’avenir et l’assombrir par principe. Il est temps de se rappeler que les périodes de basculement du monde ont toujours engendré un renouvellement paradigmatique, culturel et parfois civilisationnel pour ceux qui embrassent les exigences du changement. Il nous faut donc faire face aux défis qui se profilent et engager résolument les combats nécessaires. ».


L’EXPÉRIENCE D’EBOLA : BASE DE LA LUTTE CONTRE LE COVID-19

Dans son dernier rapport datant du 10 avril, le directeur du Centre de prévention et de contrôle des maladies de l’Union africaine, John Nkengasong, a révélé un plan d’action énergique basé sur trois piliers : prévention, éviction des morts, éviction des dégâts sociaux. Ces trois fondements préconisent une gestion panafricaine de la crise, position également appuyée par différents chefs d’Etats comme Mohammed VI (Maroc) et Macky Sall (Sénégal). La lutte contre les épidémies n’est pas inconnue du continent africain, ce qui permet une organisation collégiale des forces contre le coronavirus. De nombreux pays, comme la Tanzanie ou l’Ethiopie, basent leurs réponses au Covid-19 sur l’expérience d’Ebola : mise en place du système de surveillance Sentinelle, réaffectation des infrastructures, équipes d’intervention rapide constituées et formation d’agents de santé au triage. Les flux importants circulant sur les territoires africains sont également pris en compte. Les portes d’entrée sur le continent, telle que l’Ethiopie, ne sont pas fermées mais s’organisent rigoureusement pour accueillir la flambée du virus face aux nombreux flux, notamment en provenance de la Chine. Le Maroc apparaît quant à lui comme un exemple de prévention, étant le seul pays du continent à avoir stoppé totalement ses échanges maritimes et aériens dans le but de limiter la propagation du coronavirus. La mise en œuvre d’un dépistage de masse est également en action. L’Institut Pasteur de Dakar, en collaboration avec la société britannique Mologic, travaille sur la mise sur le marché d’un test de diagnostic rapide disponible dès juin. Ce test, permettant un diagnostic en 10 minutes, vise à être simple d’utilisation et surtout peu coûteux (moins de 1€ / test). Il est actuellement en cours d’évaluation au Sénégal, en Espagne, en Chine, en Malaisie et au Brésil, démontrant, contre toute attente médiatique, la capacité d’un pays africain à participer aux dynamiques de recherche médicale internationale.


LE NUMÉRIQUE : OUTIL SOLIDAIRE CONTRE L’ÉPIDÉMIE

Au-delà d’une appréhension médicale du virus, les systèmes d’information sur la santé publique sont renforcés afin de lutter contre ce que l’OMS appelle « l’infodémie ». L’idée est de transmettre les bonnes informations aux populations, en réfutant les « fake news » et protégeant ainsi de certains comportements propices à la transmission du virus ou au ralentissement de sa prise en charge. Le Bénin réagit et devient un exemple fort du rôle du numérique dans la crise sanitaire. En 4 jours, une série de plateformes numériques est mise en place à la fois pour lutter contre la propagation de la maladie et contre l’« infodémie » : relais de l’information officielle, plateformes de communication, messagerie mobile en direct, etc. Les actualités de la crise sont ainsi accessibles, transparentes et quasi immédiates, ce qui permet aux internautes de relayer une réalité scientifique avérée auprès de foyers ne disposant pas d’internet ou étant constitués de personnes analphabètes. Le numérique devient aussi un outil de valorisation du patrimoine intellectuel continental. L’antenne africaine de l’OMS a organisé le premier Hackathon contre le Covid-19, le 1er avril à Brazzaville. Cent innovateurs de toute l’Afrique subsaharienne se sont réunis en visioconférence afin de trouver des solutions locales créatives à la pandémie et de combler les lacunes de la réponse régionale. Les trois meilleurs groupes ont ainsi reçu un financement de démarrage et un soutien de l’OMS pour développer et mettre en œuvre leurs solutions. L’innovation arrivée en tête de classement est proposée par un entrepreneur ghanéen, Laud Basing, formé en microbiologie et en génie biomédical. Il s’agit d’une plateforme mobile intégrant le dépistage au niveau communautaire, les tests de masse ainsi que la cartographie en temps réel des niveaux de risque dans différentes zones. Autant d’outils et de réactions qui montrent que le partage d’idées et la solidarité créent des solutions novatrices et adaptées à des contextes aux ressources limitées sur le continent africain.


EN GUISE DE CONCLUSION, QUELQUES PISTES DE RÉFLEXION

D’un côté, les pays africains manquent d’infrastructures de santé, mais de l’autre, des efforts sont engagés par les gouvernements et les organisations régionales pour répondre à la crise. Les Instituts de recherche médicaux africains apportent aussi leur contribution aux avancées mondiales. Cette dialectique place les Afriques en acteur à part entière du concert mondial, déplaçant ainsi l’angle de lecture d’une Afrique “en demande” vers une Afrique “en mouvement”. Les innovations et solutions numériques portées par les citoyens africains, comme d’autres initiatives encore en gestation témoignent de cette Afrique en mouvement. Cette crise semble invite à réfléchir à la temporalité des expressions solidaires et des coopérations. Face à cette crise, doit-on apporter des aides immédiates d’urgence ? Ou doit-on penser l’avenir des Afriques en soutenant dès aujourd’hui les initiatives locales qui émergent pour apporter des réponses innovantes et adaptées aux contextes de la crise ? Ces initiatives qui peuvent paraître temporaires dès lors qu’elles naissent en temps de crise pourraient, si elles sont encouragées, s’installer dans le temps pour prévenir d’éventuelles situations et pour bâtir de nouvelles actions publiques nécessaires au développement de nouveaux systèmes de santé.